Forme intelligible , in Le vocabulaire de Platon, |
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Le vocabulaire de Platon, Luc BRISSON, Jean-François PRADEAU, ellipses, 1998 |
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Forme intelligible (eidos, idea /εἶδος ,ἰδέα ) * En dépit de la fréquence et surtout de l'importance de la notion dans son aeuvre, Platon ne définit jamais explicitement la « forme intelligible ». Les termes grecs d'eidos ou d'idea ne peuvent guère être rendus par le français « idée », qui désigne inéluctablement, depuis Descartes à tout le moins, une représentation, c'est-à-dire un objet mental. |
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Au contraire, les formes intelligibles sont des réalités immuables et universelles, indépendantes des intellects qui les perçoivent. Elles sont de surcroît les seules réalités, puisque c'est en participant aux formes intelligibles que toutes les choses existent. Pour que soit établi, proposé et même imposé un système de valeurs qui soit autre chose qu'un simple ensemble de conventions, ces valeurs doivent posséder une forme de stabilité. Pour éviter de tomber dans le conventionnalisme, il faut donc découvrir un fondement ontologique, une réalité susceptible de rendre compte des phénomènes sensibles qui, abandonnés à eux-mêmes, pourraient se dissoudre dans un devenir incessant. C'est ainsi que l'hypothèse des formes intelligibles permet d'expliquer aussi bien l'existence d'une certaine stabilité des choses sensibles, qui permet qu'on les connaisse et qu'on en parle, et, dans la cité, de justifier l'existence de normes servant à orienter la conduite humaine individuelle et collective. Voilà donc comment s'impose à Platon la nécessité de l'existence d'un ensemble de réalités immuables et universelles, séparées du sensible. Mais entre ces réalités et les choses sensibles dont elles expliquent l'existence et qu'elles rendent connaissables et exprimables, il doit exister un rapport. Ce rapport, que désigne la notion de « participation », est parfois assimilé par Platon au rapport qui fait ressembler un modèle et ses copies. |
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Ainsi, dans le mythe vraisemblable du Timée, les choses sensibles sont semblables aux formes intelligibles, parce que le démiurge a modelé le monde sensible, qui est doué d'un corps et d'une âme, en gardant les yeux fixés sur les formes intelligibles (Tim., 29d-31a; 51e52c). Quelle que soit la manière dont on représente les formes intelligibles, c'est l'âme, et plus précisément sa faculté nommée intellect, qui parvient à percevoir les formes intelligibles, soit directement lorsqu'elle est séparée du corps, soit indirectement alors qu'elle habite un corps particulier. Dans le mythe central du Phèdre, Platon situe les formes intelligibles hors du monde sensible (246a-249d). L'histoire de cette perception est scandée par des cycles de 10 000 ans. Durant le premier millénaire, les âmes humaines séparées de tout corps, accompagnent les dieux et les démons dans un voyage qui les fait traverser l'enveloppe extérieure de cette immense sphère qu'est l'univers, pour aller contempler directement les formes intelligibles. Au début du millénaire suivant, les âme humaines sont incarnées dans un corps d'homme selon la qualité de leur contemplation de l'intelligible. Puis au cours des sept autres millénaires, les mêmes âmes peuvent être de nouveau incarnées dans un corps d'homme, de femme ou même d'animal : aérien, terrestre ou aquatique, là encore selon la valeur de leur existence précédente. Lorsqu'elle est incarnée dans un corps, l'âme ne peut plus contempler directement les formes intelligibles ; elle doit le faire par l'intermédiaire d'un acte de remémoration qui a pour objet son intuition antérieure de telle ou telle forme. Cet acte est appelé « réminiscence ». Lorsque, à partir de la perception, un lien a été établi entre une réalité sensible, quelle qu'elle soit, et la forme intelligible qui lui correspond, c'est-à-dire à laquelle elle « participe », il devient possible de connaître cette réalité et d'en parler. La remontée du sensible vers l'intelligible et vers le Bien qui en constitue le foyer est décrite sous l'aspect épistémologique par le moyen des célèbres exemples de la Caverne et de la Ligne dans la République. Sur le plan non plus de la connaissance, mais des sentiments, des affections de l'âme, cette remontée est décrite dans le Banquet et dans le Phèdre comme la conséquence du désir amoureux qui mène d'un beau corps à une belle âme et d'une belle âme vers les beaux objets qu'elle contemple, c'est-à dire les formes intelligibles.
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Définitions : | |
Commentaires : Voir : Beau, Bien, Connaissance, Participation, Sensible. |
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Textes d'ARISTOCLES-Platon : Textes : Ban., 201d-212c ; Mén., 81b-87c ; Phé., 95e-102a ; Phè., 246a-249d, Rép., VI et VII ; Tim., 27d-40d. |
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Bibliographie : | |
- Wikipedia, |